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de la garde nationale et les membres du Comité Central. L’hésitation dominait cette réunion improvisée. On ne tenait pas une séance. On causait, on s’interrogeait, on recueillait des renseignements, confus et contradictoires. On paraissait craindre toujours un retour offensif des troupes, une surprise. On ne savait que décider. Beaucoup éprouvaient de l’embarras, presque de l’effroi, à ramasser le pouvoir qui était à terre, à prendre la place qui était vacante. Un des membres du Comité Central, Édouard Moreau, remplit, sans élection, sans objection non plus, les fonctions de président. Il proposa de rester à l’Hôtel-de-Ville. On ne pouvait abandonner ce poste, qu’on occupait sans résistance, sans qu’on pût prévoir une attaque, ou même une opposition. On ne le garderait que le temps nécessaire pour procéder à des élections municipales. Un cri unanime de : vive la Commune ! sortit alors de vingt poitrines, et ce fut ainsi que le pouvoir nouveau fut installé, sans éclat, sans violence, sans apparat, sans discussion, comme un fait qu’on constate, comme le jour levant succède à la nuit qui s’efface.

Ainsi fut pour la première fois acclamée la Commune de Paris, sous les voûtes vénérables de l’antique berceau des libertés municipales.

À ce moment, un mouvement se produisit dans l’édifice, et au milieu d’un brouhaha confus, dans la pièce précédant la salle, se discernaient des vivats, des cris de : « Vive Langlois ! » Un personnage apparut, suivi de trois ou quatre citoyens, les députés Lockroy, Cournet, le journaliste Paschal Grousset. Le nouveau venu, gêné par le silence qui s’était établi à son entrée, froissé sans doute de ne pas se voir accueilli avec élan, de paraître un inconnu et comme un intrus dans cette réunion d’insurgés, se nomma sèchement :