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bousculé dans l’escalier, reçut quelques coups de poings, et arriva sur le boulevard. On voulut nous entrainer pour nous fusiller le long de la chapelle Bréa. Alors Meillet intervint de nouveau et dit : « Messieurs, ne nous conduisons pas en assassins ! » Ceci est très curieux, dans la bouche d’un homme qui, quinze jours après, demandait à la Commune la démolition de la chapelle Bréa. — « Ces hommes ne sont pas condamnés, quand ils seront jugés, vous les fusillerez, si bon vous semble. » Il put ainsi nous entrainer à quelques centaines de mètres plus loin, et nous jeter dans la prison du 9e secteur.

Une fois arrivés dans la cellule, quand il s’agit de porter nos noms sur les registres d’écrou, une scène des plus violentes eut encore lieu entre Léo Meillet et quelques officiers d’un autre bataillon, qui venait d’arriver. Il y eut des coups de sabre échangés. À un moment donné, nous vîmes entrer des hommes avec des baïonnettes, on amenait des individus qui s’étaient battus à cause de nous. Tout à coup, je vis Léo Meillet arrachant sa ceinture d’adjoint, et la jetant à la figure d’un officier en lui disant : « Puisqu’il en est ainsi, puisque vous voulez fusiller ces hommes, puisque vous voulez vous conduire comme des lâches, vous me fusillerez avec eux ! » Puis il s’assit, et cet homme, d’une nature énergique et violente, fondit en larmes. Il était environ deux heures du matin. Les choses se calmèrent cependant, et on nous introduisit dans la cellule.

(Enquête Parlementaire. Déposition de M. Turquet, t. II, p. 484.)

Deux faits intéressants sont surtout à relever dans cette déposition anecdotique et colorée : M. Edmond Turquet a reconnu qu’il avait été traité avec égard, ainsi que le général, par les gardes nationaux :

J’ai causé, a-t-il ajouté, avec quelques officiers qui étaient là, et qui regrettaient tous l’arrestation du général. Pendant les quelques jours que nous sommes restés dans cette prison, le plus grand respect lui a toujours été témoigné. Un petit détail : il y avait un water-closet dans une seconde pièce ; pour y arriver, il fallait passer devant les hommes de faction, et chaque fois que le général Chanzy et le général Langourian passaient, on leur présentait les armes. On restait à la porte respectueusement,