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révolver au poing, dans son appartement de l’avenue d’Italie. Nous restâmes là, jusqu’à une heure et demie du matin. C’est alors que se place un fait qu’il est bon que la commission connaisse, et que je n’ai pas dit à la tribune.

Nous étions dans le salon, très modeste, de Meillet, nous y étions arrivés escortés par des bons bataillons du XIIIe arrondissement, — du moins ce que M. Meillet appelait l’un des bons bataillons.

Quand nous arrivâmes, une quinzaine d’officiers du bataillon vinrent se grouper autour de lui.

Quelques-uns d’entre eux, les plus exaltés, faisaient des reproches au général sur son attitude à l’armée de la Loire, prétendant qu’il n’avait pas fait tout ce qu’il aurait dû faire. Les choses s’envenimaient, Un certain nombre de simples gardes étaient entrés dans la première pièce, et je sentais très bien que nous étions dans une situation des plus graves.

Dans le désir de sauver la vie du général, que je croyais très menacée, parce qu’on entendait sous la fenêtre du bruit qui allait en augmentant sans cesse, je dis aux gardes nationaux : « Mais que voulez-vous au général ? Votre ami Gambetta, l’homme qui représente votre opinion, a dit au général que c’était le premier homme de guerre, qui se fût révélé dans cette campagne ; ne soyez pas plus sévères que le député de Paris, que M. Gambetta que vous aimez et que vous estimez. » Alors ces hommes s’emportèrent, ils dirent : « Nous ne voulons pas de Gambetta ! il ne représente pas nos opinions ! » Je ne commente pas le fait ; pourquoi ces hommes se sont-ils exprimés ainsi ? J’avais failli commettre une imprudence en plaçant Chanzy sous le patronage de Gambetta. À vous de chercher et de voir s’il n’y a pas là un indice curieux ?

Le temps s’était passé ; à un moment donné, la chambre fut envahie. C’est alors qu’on voulut nous entrainer dans la rue, pour nous fusiller. M. Léo Meillet tira son revolver de sa poche et essaya de lutter. Il prétendit qu’il avait donné sa parole au général Chanzy de lui offrir asile, et de le sauvegarder jusqu’au dernier moment. Chanzy, comprenant qu’il allait se passer des scènes de violence, et que nous serions certainement écharpés, releva M. Meillet de la parole qu’il lui avait donnée, et le supplia de nous laisser partir avec les gardes nationaux, de nous laisser emmener à la prison la plus voisine. Nous descendîmes. Chanzy fut