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d’avis d’abandonner l’Hôtel-de-Ville. Le général Derroja fit montre d’un empressement fébrile à décamper ; quant au commandant militaire Vabre, il n’eut jamais de courage que contre des prisonniers désarmés, et il tremblait à l’idée d’avoir à obéir à Jules Ferry, et à résister aux gardes nationaux, armés et menaçants.

À dix heures et demie, quand officiers et soldats eurent déserté leur poste de combat, et que Jules Ferry se trouva seul, dans son cabinet vide, au milieu du palais municipal devenu silencieux, il lui fallut songer à son tour à une retraite devenue forcée. Il rangea ses papiers, prit le texte des dépêches échangées, qu’il gardait, pour l’histoire et non pour sa justification. De quoi aurait-on pu l’accuser ? D’avoir été brave et d’avoir fait son devoir ? Il a pu sauver ces documents si précieux pour la connaissance de ces faits inouïs. Il sortit seul, à pied, le front haut, mais le cœur oppressé. Il quitta le dernier, comme un capitaine son bord, le vaisseau de la Ville de Paris, qu’il avait défendu jusqu’à la dernière minute, au moment où les vagues de l’insurrection allaient le submerger.

Jules Ferry se rendit à la mairie du Ier arrondissement, où MM. Adam, maire, et Méline, adjoint, avec plusieurs chefs de bataillon, se trouvaient réunis. Ils se disposaient à se rendre à la mairie du IIe arrondissement, où Tirard, Bonvelet et les autres maires et députés de Paris se tenaient en permanence, quand une foule compacte et hurlante se massa sur la place Saint-Germain-l’Auxerrois, criant : « Il nous faut Ferry ! Mort à Ferry ! » Quelque traître, ou le hasard, avaient fait connaître sa présence dans la mairie. Des gardes nationaux isolés s’étaient joints à la foule et donnèrent une apparence de service commandé au rassemblement. On somma les personnes présentes dans les locaux de la mairie de sortir. On procéda à un filtrage. On