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prisonniers. Ce n’était pas l’escorte disposée par Vinoy, dans la cour du ministère des Affaires Étrangères, qui aurait pu s’y opposer. Le bataillon fédéré, qui fit si grand peur à M. Thiers, n’eut ni l’inspiration, ni la curiosité de s’informer de ce qui se faisait dans le palais du quai d’Orsay. Il se contenta d’effrayer par son défilé et sa musique, et s’éloigna, laissant les ministres respirer, permettant à M. Thiers de filer sur Versailles pour y organiser la guerre civile. L’occasion, comme le bataillon mal inspiré, passa, et ne se représenta plus. Les choses eussent grandement changé, à la suite de ce beau coup de filet. Il fut manqué, et l’insurrection ne put désormais qu’espérer une victoire par les armes, que les circonstances rendirent d’abord difficile, ensuite impossible. La fortune favorisa donc deux fois M. Thiers et la réaction, durant cette journée fatale.

Les ministres, M. Thiers disparu, se montrèrent peu désireux d’attendre, au palais du quai d’Orsay, le passage de nouveaux bataillons fédérés, qui, plus hardis ou mieux avisés que ceux qui s’étaient contentés de défiler en musique sous les fenêtres, monteraient et viendraient les capturer. Ils se hâtèrent de s’éclipser à leur tour. Ils se donnèrent rendez-vous, pour le soir même, à dix heures, dans un domicile particulier, chez M. Calmon, rue Abbatucci.

Ainsi le chef du pouvoir exécutif fuyait, se terrait, apeuré, dans une préfecture de province, gardé, pendant son sommeil, par deux dogues qu’il supposait fidèles, deux cavaliers de l’ex-garde impériale, et les ministres se cachaient dans Paris, tenaient conseil de gouvernement, comme on conspire, dans un appartement privé, portes closes et rideaux tirés. Paris était bien sans maîtres, sans autorités, livré à lui-même.

Vinrent à ce dernier conseil : le général Le Flô, ministre