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Flô. Vers trois heures il se produisit un incident qui inquiéta le gouvernement et les représentants qui se trouvaient là. Trois bataillons de la garde nationale, tambours et clairons en tête, passèrent devant l’hôtel des Affaires Etrangères. Nous étions défendus par un seul demi-bataillon de chasseurs à pied, qui était en dehors de la grille, et dans une situation assez compromise par conséquent. Les hommes étaient disposés en tirailleurs tout le long de cette grille. Le moment me parut critique ; et je dis : « Je crois que nous sommes flambés, nous allons être enlevés. » En effet, les bataillons qui passaient n’avaient qu’à faire un demi-tour à droite et à pénétrer dans le palais, nous étions pris tous jusqu’au dernier. Je dis à M. Thiers : « Je crois qu’il est important que vous vous sauviez ; il y a peut-être un escalier dérobé, par lequel vous pouvez vous retirer, et gagner la rue de l’Université, et de là partir pour Versailles. Il est important que vous le fassiez. Sans quoi le gouvernement va être absolument désorganisé. » M. Thiers suivit mon conseil. Mais les trois bataillons passèrent sans rien dire, ils allèrent faire une manifestation à l’Hôtel-de-Ville, et revinrent une demi-heure après.

Le général Vinoy, de son côté, a raconté ainsi l’épisode du départ :

M. Thiers partit, je crois, à trois heures et demie ou quatre heures : il fallait le faire partir, parce que, s’il tombait aux mains de l’insurrection, c’était le gouvernement désorganisé. Prévoyant cela, j’avais doublé mon escorte, j’avais fait préparer sa voiture et tout était prêt. Je lui dis : « Mettez votre pardessus, la porte du bois de Boulngne est gardée, voire sortie est assurée par là. — J’y avais envoyé un escadron. — Mais, avant de partir, il me donna l’ordre d’évacuer Paris, et surtout de lui envoyer la brigade Daudel, qui occupait tous les forts du Sud et même le Mont-Valérien et Courbevoie. Il jugeait important d’avoir à Versailles cette brigade, qui était celle sur laquelle on pouvait le plus compter.

Ainsi dans la précipitation qu’il mit à s’évader de Paris, M. Thiers donna l’ordre aux généraux d’évacuer tous les forts, y compris le Mont-Valérien. Cette citadelle de Paris, au pouvoir de l’insurrection, c’était Paris imprenable, c’é-