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Ce fut d’ailleurs ce qui arriva, après la défaite de la Commune. Malgré les services tapageurs des « brassards tricolores », malgré l’empressement que mirent certains bataillons à vouloir se mêler aux soldats vainqueurs, en dépit du zèle exterminateur dont firent montre plusieurs commandants, sollicitant les fonctions sanglantes de présidents, de pourvoyeurs aussi, des cours prévôtales improvisées, M. Thiers voulait avant tout faire disparaître la garde nationale.

Pour parvenir à son but, M. Thiers avait donc besoin d’une insurrection. Un personnage, homme distingué, mêlé de près aux événements, mais, par ses sentiments et son milieu fort réactionnaire, le comte d’Hérisson, l’ancien officier d’ordonnance de Trochu, a émis ce doute, dont aujourd’hui la vérification est faite :

Quand on étudie l’affaire du 18 mars, on en arrive presque à Se demander si M. Thiers voulait réellement enlever les canons de Montmartre, et si son but n’était pas plutôt d’obtenir un mouvement populaire qui lui permettrait d’évacuer Paris d’abord, pour le reprendre ensuite, en le noyant dans le sang.

Mais cette émeute, qu’il venait de provoquer, on peut dire qu’il l’avait préparée, et on peut ajouter que, pouvant l’écraser en un tour de main, il la laissa grandir comme un chirurgien qui, rêvant une belle opération, favoriserait la croissance d’une tumeur qu’il aurait pu enlever, à ses débuts, par un simple coup de ciseaux.

Cette insurrection, accompagnée de la défection de l’armée, prit rapidement de telles proportions que M. Thiers, plus que jamais décidé à réaliser son projet et à se réfugier à Versailles, eut hâte de décamper, de se inerte personnellement en sûreté. La peur lui venait, et domina toutes ses résolutions, tous ses actes, durant cette après-midi tourmentée. Il avait une grande hardiesse dans les conceptions politiques ; il envisageait résolument les périls à longue