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Il est impossible de parler de Jules Ferry, même lorsqu’il ne peut être question que de son rôle en 1871, sans rappeler sommairement que cet éminent homme d’État a donné à la France un empire colonial. Pour cet inestimable service, il a été attaqué, vilipendé et chassé du pouvoir. Un capitaine fatigué, du nom d’Herbinger, à la tête échauffée et troublée, ayant cru découvrir, en se levant de table, une armée chinoise menaçante, défilant sur les hauteurs de Lang-Son, alors qu’il s’agissait d’une promenade de quatre ou cinq irréguliers chinois enquête de maraude, a donné le signal d’une déroute, sans importance militaire, et qui passa inaperçue au Tonkin, mais dont la répercussion fut ridicule et terrible à Paris. La panique, ce jour-là, fut pire au Palais-Bourbon que dans les arroyos du Tonkin. Ce fut un chorus indigné, absurde et coupable. M. Ribot donnait la réplique à M. Clemenceau, et M. Ranc se cramponnait aux basques de Jules Ferry, pour le faire descendre de la tribune, sous les encouragements de M. Paul de Cassagnac. Jules Ferry fut donc précipité du pouvoir. L’histoire, et les parlementaires repentis, l’ont vengé par la suite de cette injuste agression. Ses pires détracteurs ont fait, de nos jours, amende honorable devant les trois statues qu’on lui a élevées à Hanoï, à Tunis et à Paris. La postérité oubliera les fautes, les crimes même, du dangereux ennemi de la Commune, pour ne garder que le souvenir de ses services, de ses bienfaits et de ses talents.

Les opportunistes qui l’accablèrent pour la surprise de Lang-Son furent tellement odieux et incohérents que Jules Ferry, tandis qu’ils s’efforçaient de lui fermer la bouche et de le chasser du pouvoir, avait dans sa poche, ce jour-là même, le traité qui terminait tout différend avec l’empire chinois. Il emporta de cette journée néfaste une inguérissable blessure morale. Elle contribua, avec la meurtrissure au