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d’une animosité durable, et l’impopularité, dont il a porté toute sa vie le poids, provint plutôt de son tempérament intransigeant, dans la modération bien entendu, que de sa conduite gouvernementale et de ses fautes politiques.

Impopulaire, il le fut, comme peu d’hommes l’ont été. Il fut en butte, dès ses premières années de pouvoir, à des attaques excessives, sans mesure, et souvent injustes. Quand, longtemps après les années de l’Empire, du siège et de la Commune, ses adversaires, qui étaient surtout des radicaux, nuance Clemenceau, voulaient l’accabler, après l’avoir gratifié des épithètes, alors déshonorantes, de Tonkinois et de Tunisien, ils l’appelaient : garçon de café ! Ses favoris lui avaient attiré cette qualification propagée par la caricature et les petits journaux.

Elu député aux élections de 1869, par le VIe arrondissement de Paris, il devint, au 4 septembre, membre du gouvernement de la Défense nationale. Au 31 octobre, il fit tête à l’insurrection, brava Flourens et ses tirailleurs à l’Hôtel-de-Ville, et fut réellement le maître de Paris, pendant cette nuit, dont l’importance pouvait être décisive et triomphale. La Commune, au 31 octobre, c’était sûrement Paris délivré, la guerre prolongée, et, grâce à l’énergie de Gambetta, de Freycinet et de Chanzy, les armées de secours organisées et lancées sur tous les points, aux flancs des envahisseurs. Il est fâcheux que Jules Ferry ait montré autant d’énergie ce jour-là, mais on ne peut refuser cet hommage à son intrépide sang-froid. Il allait toujours droit à l’obstacle, le danger l’attirait, le fortifiait. Le 22 janvier, il montra encore sa fermeté coutumière. Ce ne fut point sa faute si, au 18 mars, il dut battre en retraite devant l’insurrection victorieuse : Thiers l’avait désarmé, lâché, on pourrait dire, trahi.