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hors mariage. À qui cela faisait-il tort ? Le public n’accorda d’ailleurs qu’une attention médiocre à ce potin malveillant. Félix Pyat et Millière, pour des socialistes révolutionnaires, se montrèrent ainsi bien grands admirateurs de du Code Napoléon, et fort respectueux des préjugés bourgeois. Millière répondit au scrupuleux Hendlé : « Ce n’est pas M. Millière qui vient rendre visite à M. Jules Favre, c’est un représentant de la Seine, délégué par ses collègues, qui vient chez le ministre des Affaires Étrangères. » Le secrétaire s’inclina et introduisit la délégation, Millière compris.

Jules Favre fut-il sincère ? feignit-il l’ignorance de faits que tout le monde connaissait ? ou bien, déçu et dépité par le départ de Thiers qu’il avait combattu, voulut-il dissimuler ses intentions, tâter l’opinion des maires, en vue d’une résistance à l’émeute, dont il avait certainement le goût, et peut-être le projet ? Se vit-il sur le point de recueillir le pouvoir laissé vacant par Thiers, et vainqueur de l’insurrection, appelé par l’Assemblée Nationale à lui succéder ? Il est difficile de se prononcer, car il n’a pas démasqué ses intentions ni résisté au chef du gouvernement, malgré sa fuite. Il craignit d’assumer la responsabilité de tenir tête à l’insurrection, en restant seul à Paris, tandis que M. Thiers, à Versailles, se ferait sans doute approuver et soutenir par l’assemblée affolée.

Il commença par demander aux délégués si la nouvelle du meurtre des généraux Clément Thomas et Lecomte était confirmée. Sur la réponse affirmative, il s’emporta. Sa voix devint plus âpre, sa lèvre dédaigneuse parut plus méchante. Debout à son bureau, comme à la barre, prenant la pose théâtrale et le geste qui lui étaient habituels, le bras étendu, avec l’index rigide, il s’écria : « Alors, messieurs, que venez-vous faire ici ? Vous appor-