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fendre le gouvernement, et avec lui l’Assemblée, comme elle l’avait fait, avec énergie, avec fureur, lors de l’insurrection de juin 48.

Elle ne répondit cependant pas aux appels désespérés d’Ernest Picard et du général d’Aurelle de Paladines. Elle demeura sourde aux sonneries de rassemblement, aux tambours battant le rappel. Elle lut avec indifférence l’affiche où on lui demandait de prendre ses fusils, pour défendre non seulement le « régime des lois », mais « la famille et la propriété ». Ces grands mots n’émurent personne. La garde nationale ne parut pas effrayée, et l’épouvante qu’on cherchait à répandre dans son esprit n’aboutit qu’à l’inciter à demeurer tranquille et neutre. Elle avait d’ailleurs de bonnes raisons à donner de son inertie. Où étaient les chefs ? Que faisait le gouvernement ? Où siégeait-il ? Qui ordonnait de battre le rappel ? Etait-ce lui ? Autour de la Bourse, rue de la Paix, à la Madeleine, c’était probable. Mais Le tambour appelait aussi les gardes nationaux à la place Clichy, à Rochechouart, à la Villette, à la Bastille. Ce n’était évidemment pas dans le même but, ni avec le même objectif, si c’était la même batterie. On risquait de se tromper, de s’égarer, et, en croyant renforcer les hommes d’ordre, de tomber parmi les insurgés. Mieux valait s’abstenir, attendre chez soi ou au café, comme autrefois, les jours d’émeute, les gens prudents se tenaient dans leurs caves, en attendant qu’il y eût un gouvernement. Et puis, les gardes nationaux de l’ordre avaient un excellent argument à opposer à ceux qui les eussent blâmés de leur surdité volontaire, quand les tambours gouvernementaux clamaient désespérément : aux armes ! dans le désert des quartiers amis de l’ordre. On les appelait à la bataille, soit | on irait, mais pas seuls ! Pourquoi le gouvernement rappelait-il ses troupes ? pourquoi les protégeait-il derrière