Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/488

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était celle qui formait les anciennes légions, recrutée parmi les personnes aisées, payant des impôts fonciers, des patentes, des cotes personnelles mobilières, et comprenant d’abord les bataillons aux numéros inférieurs, organisés sous l’empire. Ceux-ci avaient toujours témoigné, lorsqu’ils étaient commandés par le général Lawoestine, sinon un grand attachement à la famille impériale, du moins un sentiment de fidélité au régime établi, de « loyalism », comme disent les Anglais. Cette garde nationale s’était en partie ralliée à la République, au 4 Septembre. Elle était peu républicaine, prise dans son ensemble, mais frondeuse et jalouse de ses prérogatives. Ses opinions étaient plutôt celles des orléanistes, sans affection bien vive pour les princes de la maison d’Orléans, sans désir de voir un héritier de Louis-Philippe restaurer le trône de juillet, que cette même garde nationale ou du moins des citoyens animés du même esprit, avaient d’ailleurs contribué à renverser, en février 48. Un gouvernement constitutionnel, libéral, nullement clérical, et avant tout pacifique, favorable aux rentiers, aux commerçants, aux spéculateurs et aux financiers, était son idéal. Pour cette force organisée, encadrée, qui s’était bien montrée pendant le siège, et avait fait son devoir aux remparts comme dans les rares sorties, une république modérée, ayant à sa tête un homme tel que M. Thiers, qu’elle connaissait, qu’elle admirait, qui était son vrai représentant et son expression politique, devait être considérée comme le régime le meilleur, le plus supportable, selon les vues et les intérêts des classes moyennes. Cette bourgeoisie armée avait peur de toute révolution, haïssait et jalousait l’aristocratie, en s’efforçant de la copier, méprisait et craignait les classes populaires, en les flattant, en recherchant leurs suffrages. Elle devait donc descendre en masse dans la rue, à l’appel d’Ernest Picard, pour dé-