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et faites-les revenir vers le ministère des Affaires Étrangères. » Le Gouvernement était réuni en ce moment à l’hôtel de ce ministère. Beaucoup de personnes étaient accourues, et chacune donnait son avis. Je réunis mes collègues dans la salle du conseil, où nous pûmes délibérer seuls avec nous-mêmes. Là, je n’hésitai point je me rappelais le 24 février : mon parti était pris ; je l’annonçai. Cette déclaration provoqua de graves objections. Le 24 février, je n’avais pas pu réussir ; mais, ce jour-là, je triomphai des objections, grâce au bon sens et au courage de mes collègues.

(Enquête Parlementaire, déposition de M. Thiers, t. I, p. 12.)

Thiers donna donc l’ordre au général Vinoy de retirer ses troupes derrière la Seine, et d’occuper tous les ponts. Il était midi. Des officiers d’état-major portèrent de tous côtés l’ordre aux chefs de corps d’avoir à ramener les régiments sur la rive gauche. En même temps on battait la générale dans les quartiers du centre. Les gardes nationaux sur lesquels on comptait ne vinrent pas. « Il nous arriva peut être 5 ou 600 hommes, dit M. Thiers, et les mauvais gardes nationaux étaient descendus des hauteurs de Paris. Nous n’avions pas pu occuper tous les ponts. »

Cette défection de la garde nationale de l’ordre, sur laquelle le gouvernement aurait pu compter, était plus grave peut-être que celle de l’armée. Rentrés dans leurs casernes, ou cantonnés sur la rive gauche, les régiments pouvaient être ressaisis. En se retrouvant avec leurs chefs, dans leur milieu habituel, les troupes eussent repris, instinctivement, machinalement, la routine de la discipline et de l’obéissance. Mais l’abstention des gardes nationaux bourgeois, de ceux qui semblaient intéressés surtout au maintien de l’ordre, et qui du reste, par la suite, rassemblés autour de la mairie du 11e arrondissement et au Grand Hôtel essayèrent, avec l’amiral Saisset, de former un centre de résistance, était de nature à impressionner le gouvernement.