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possession des bâtiments et des services publics, et aucun chef populaire ne se trouvait à l’Hôtel-de-Ville.

La physionomie du centre de Paris n’avait pas changé. Les cafés avaient leur clientèle d’habitude.

Que faisait la population, en dehors des militants travaillant aux barricades ? Elle attendait.

Que faisait le Comité Central ? Ses membres allaient et venaient dans leurs quartiers, veillant à la mise en état de défense du périmètre où ils étaient connus, obéis, et pour le reste, ils attendaient.

Que faisaient les généraux, les troupes, la police ? Tout ce qui constituait le pouvoir, l’administration, la surveillance de la cité, attendait.

Seul, le gouvernement incarné dans M. Thiers, le gouvernement qui était M. Thiers ne se trouvait pas dans l’attente, ni dans l’indécision. M. Thiers suivait son plan ligne à ligne. Il marchait droit vers le but qu’il s’était assigné.

LES DEUX GARDES NATIONALES

M. Thiers se décidait à agir comme il l’avait résolu.

Les choses tournaient en sa faveur, si déplorables qu’elles apparussent à d’autres. Le meurtre des généraux lui semblait un événement, triste sans doute, mais avantageux pour ses desseins. Un fossé sanglant allait séparer les républicains modérés des violents. La bourgeoisie ne voudrait pas s’allier avec des assassins. Les officiers seraient indignés en apprenant le meurtre de deux des leurs. La province, à qui l’on transmettrait des récits appropriés, s’empresserait d’ajouter à sa vieille jalousie contre la capitale une horreur sentimentale qu’on saurait mettre à profit.

Restait la défection de l’armée. Il ne pouvait en douter.