Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre les bataillons des quartiers aristocratiques et commerçants, qu’ils supposaient hostiles, prêts à soutenir le gouvernement. Il y avait deux gardes nationales en présence.

Rue des Martyrs, place Blanche, rue de Paris à Belleville, faubourg du Temple en haut, rues d’Allemagne, de Flandre, de Crimée et dans le XIe arrondissement, rues Saint-Sébastien, Sedaine, Saint-Sabin et faubourg Saint-Antoine à l’angle de la rue du Chemin-Vert se dressèrent les premières barricades. La plupart étaient armées d’une mitrailleuse. Ces défenses populaires ne formaient que de simples barrages. On ne reconnaissait, derrière ces remparts improvisés, ni la fièvre révolutionnaire, ni la sombre anxiété d’insurgés isolés se préparant, dans des circonstances analogues, à soutenir l’assaut, et à répondre par la fusillade aux sommations des autorités et aux attaques des troupes.

Le Dix-Huit mars ne ressemblait en rien aux journées d’émeutes du passé. On ne pouvait même dire qu’il y eût insurrection. Un peuple qui s’insurge s’efforce de désarmer les soldats, de s’emparer des principaux édifices où fonctionnent les services publics, et de chasser le gouvernement en pénétrant dans le palais où il siège, en dispersant les corps élus, en occupant l’Hôtel-de-Ville, tout cela au milieu de la fusillade, parmi les cris des blessés, les ales des morts, les clameurs des combattants et le sourd roulement des tambours battant au loin la charge, avec des commandements d’armes, et des cris de victoire leur répondant. Ici, rien de semblable. La ville avait conservé à peu près son aspect ordinaire. On ne circulait pas très commodément, à raison des rues dépavées et des barricades en construction, mais on eût dit plutôt des quartiers où des travaux de voirie étaient en cours qu’une grande cité en révolution. Il n’y avait eu aucune tentative pour prendre