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mesures nécessaires, pour la reprise du travail et le retour du crédit, ne demandaient pas du sang pour être appliquées. Il était même indispensable de ne pas effrayer la bourgeoisie, les commerçants, les employés, tous ces gens paisibles ne s’occupant qu’accidentellement de politique, sans lesquels on peut faire des émeutes, mais non pas établir un gouvernement. La Commune, que bon nombre de citoyens réclamaient, sans trop savoir ce que ce régime signifiait ou comportait, mais en qui ils pressentaient une république démocratique, avec les franchises municipales, et que comme telle ils acclamaient de confiance, pouvait s’installer par la force de la volonté populaire, appuyée par les baïonnettes de deux cent mille gardes nationaux.

La révolution nouvelle, née du hasard d’une provocation gouvernementale, et d’une défection de l’armée, comme aux Trois Glorieuses, comme au 24 février 48, mouvement purement patriote et politique à ses premiers jours, pouvait, après avoir constitué un gouvernement régulier, évoluer progressivement et pacifiquement, se transformer en révolution sociale. Il n’était nul besoin, pour ce magnifique essor de la République communaliste et de la Fédération des villes et villages de France, de massacrer ces deux très secondaires personnages. Sur eux s’était acharnée, sans commandement, sans mot d’ordre, sans chefs, une foule aveugle, impulsive, et n’ayant ni programme, ni drapeau, ni idéal, — une foule qui ne représentait ni la garde nationale, ni le Comité Central, ni la Commune.

L’exécution de ces deux personnalités, bien que deux morts à côté des monceaux de cadavres qui s’entassèrent ensuite dans Paris soient une perte négligeable, fut cependant un fait grave. Ce massacre absurde donna une arme empoisonnée à la réaction, fournit une rhétorique sentimentale aux écrivains et aux orateurs, dont ils abusèrent. Cette