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L’exécution des généraux Clément Thomas et Lecomte, le premier portant le poids d’un passé sanglant, et le second expiant les rigueurs du devoir militaire en temps de guerre civile, coupable aussi, aux yeux des insurgés, d’avoir commandé à ses soldats de faire feu sur des masses inoffensives et désarmées, fut un malheur pour la cause populaire.

Des écrivains malavisés ont fait une allusion, à propos de la tragédie de la rue des Rosiers, aux massacres de Septembre 92. C’est une erreur de comparaison. La situation et les mobiles furent bien différents. Au 2 Septembre, le canon d’alarme tonnait dans Paris ; Longwy, « la ville des lâches », s’étant rendue, la frontière était franchie, l’invasion déjà débordait sur la France, et Brunswick promettait, au nom des souverains de toute l’Europe coalisée, de raser Paris et d’exterminer ses habitants. La Patrie était proclamée en danger. La France appelait tous ses enfants aux armes. Les volontaires parisiens se pressaient aux abords des estrades, sur la place publique, où l’on recevait les enrôlements. Les patriotes savaient que les royalistes espéraient la défaite, appelaient l’étranger. Les prisonniers du dix août souhaitaient, à haute voix, la victoire de la coalition. Elle égorgerait les républicains et rétablirait le roi dans tous ses pouvoirs. Des bruits sinistres circulaient sur une révolte intérieure, et l’on se répétait que, dans les prisons, encombrées, où la surveillance devenait impossible, les ennemis de la Révolution conspiraient. Ils donneraient la main aux émigrés revenus avec les Prussiens. Les Parisiens ne voulurent pas s’exposer à être frappés par derrière, tandis qu’ils feraient face à l’ennemi. Ils résolurent, avant d’aborder les armées autrichiennes et prussiennes dans les défilés de l’Argonne, de se débarrasser des complices de l’étranger. Ils songèrent à frapper ces royalistes, ces chevaliers du poignard, qui se préparaient à s’élancer hors des