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ment établir que le principal accusé, avec Herpin-Lacroix, le sergent Verdaguer, du 88e de ligne, eût tiré la balle de chassepot qui tua net le général Lecomte. Le crime de ce malheureux, aux yeux des officiers du conseil, fut plutôt son cri « armes à terre ! », quand les soldats de sa compagnie refusèrent de faire feu, sur l’ordre donné pour la troisième fois par le général Lecomte, et d’avoir ainsi paru donner le signal de la défection. Le sergent Verdaguer fut condamné à mort, et fusillé à Satory, le 22 janvier 1872, avec Herpin-Lacroix et Lagrange.

Aucun de ces trois suppliciés n’a pu être convaincu d’avoir tiré sur les deux généraux. Les autres accusés, dont deux femmes, qui furent d’ailleurs acquittées, ne furent pas davantage reconnus comme étant les auteurs des coups de feu qui avaient atteint les victimes. Cependant les corps portaient de nombreuses blessures. Il y avait donc eu des gens qui avaient tiré. Mais c’était toute une foule qui avait assailli Clément Thomas et Lecomte. Ceux qui avaient tué n’avaient-ils pu s’échapper ? n’étaient-ils pas engloutis dans les monceaux de cadavres, à la suite des fusillades formidables des derniers jours de mai ? L’un des accusés, Herpin-Lacroix, en fit la remarque au président : « Dans la rue des Rosiers, dit-il avec énergie, vous avez fusillé quarante-deux hommes, trois femmes et quatre enfants, sous prétexte qu’ils étaient les assassins des généraux ! » Il est probable que ces quarante-deux malheureux n’avaient pas tous tiré des coups de fusil sur les victimes, mais peut-être se trouvait-il parmi eux, des coupables. Les deux morts de la rue des Rosiers furent donc terriblement vengés, injustement aussi. Si de vrais coupables durent éviter la peine, combien d’innocents furent frappés pour ce drame de la rue des Rosiers, à commencer par les trois suppliciés de Satory !