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tation, aurait dû courir immédiatement au Château-Rouge, avec une force suffisante, pour se faire remettre les prisonniers et les emmener à la mairie. Il n’eût à ce moment, Simon Mayer étant avec lui, rencontré aucune opposition sérieuse. Il a répondu à cette critique en disant qu’il avait cru devoir rester à la mairie, pour veiller à la sécurité des gendarmes qui s’y trouvaient emprisonnés. Devoir impérieux sans doute, et louable préoccupation. Les événements ont démontré que d’autres existences étaient aussi en péril, rue des Rosiers, et peut-être un adjoint, Dereure ou Jaclard, eussent-ils eu l’autorité suffisante pour défendre la mairie et protéger les gendarmes, en son absence.

La vérité est que Clemenceau éprouvait peu d’entrain ce matin-là à se rendre au milieu d’une foule surexcitée, qui probablement eût méconnu son autorité. Clemenceau avait perdu beaucoup de sa popularité. On savait qu’il avait négocié avec le gouvernement ; il avait même paru promettre l’abandon des canons, ou leur livraison, qui s’effectuerait, affirmait-il, sans grandes difficultés, entre les mains des chefs de bataillons ou qui seraient versés à l’artillerie de la garde nationale. La soudaine attaque le mettait dans une position fausse. Il s’était hâté de retourner à la mairie, après avoir assisté, rue des Rosiers, aux débuts de l’opération, et après avoir parlementé avec le général Lecomte pour le transport à l’hôpital, qui lui fut refusé, de Turpin, le factionnaire blessé mortellement. Il avait fait entendre des paroles rassurantes au général, et s’était retiré assurément persuadé qu’il ne se passerait rien de grave. C’était trop d’optimisme, sans doute, mais il faut se souvenir qu’il y avait alors fort peu de monde sur la Butte, et que l’ensemble de la ville paraissait très calme.

Les membres du Comité de Clignancourt étaient devenus des adversaires politiques. Il ne tenait pas à s’exposer