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rue des Rosiers, et qu’il ne veut parler que de ce qu’il a vu, Arthur Chevalier raconte ceci :

L’après-midi je monte sur la Butte. Je vois beaucoup de monde se diriger vers la rue des Rosiers. Je suis le mouvement, et j’entre dans la cour du No 6. Cette cour est remplie de gardes nationaux et de soldats. Je pénètre plus avant et je vois, dans une petite pièce du rez-de-chaussée, à gauche, le lieutenant Piger, de ma compagnie. Il me fait signe d’avancer. J’entre difficilement dans une sorte de vestibule, où s’ouvrait la pièce dans laquelle Piger et d’autres gardaient les officiers prisonniers.

Les cris s’étaient un peu apaisés, mais bientôt ils reprirent, beaucoup plus intenses, à l’arrivée d’un nouveau personnage, le général Clément Thomas, qui avait été reconnu et arrêté, au bas de la Butte.

À ce moment-là ceux qui gardent les prisonniers sont débordés. La fenêtre donnant sur la cour vole en éclats sous les coups des crosses de fusil. Un caporal de chasseurs saute sur l’appui de la fenêtre, et, debout, couche en joue le général Lecomte, en prononçant des paroles que je ne puis entendre. Le lieutenant Piger s’élance devant le général, et lui fait un rempart de son corps. Il crie que, le prisonnier étant sous sa garde, on le tuera avant de tuer le général.

Dans ce court espace de temps, quelqu’un avait tiré le caporal de chasseurs et l’avait fait tomber de l’appui de la fenêtre.

Les cris, les menaces continuaient.

Cependant, un calme relatif renaît : on écoute un garibaldien qui se tient debout sur la marquise du premier étage. On dit que c’est Menotti Garibaldi, et c’est à cette méprise qu’il doit d’être écouté quelques instants.

C’était Herpin-Lacroix. Il demande que les généraux ne soient pas fusillés sans jugement. Il dit qu’à l’armée de l’Est, lorsqu’un traître était pris, on le fusillait, mais que, auparavant, On le faisait passer devant une cour martiale. Ses dernières paroles se perdent dans les clameurs. On le menace. Les cris de « à mort ! à mort ! » redoublent.

En même temps le bruit circule que le Comité de Vigilance est réuni dans la salle du premier étage, et qu’il a donné ordre de lui amener les prisonniers.