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Il résulte de ces divers témoignages que le meurtre des généraux est imputable à une foule anonyme, affolée, exaltée, à peu près irresponsable. Ce fut une effervescence spontanée. Cette impulsive férocité s’est produite souvent, et dans des circonstances et des agitations différentes. La terreur blanche et la terreur tricolore en offrent de tristes exemples. En juin 1848, l’assassinat du général Bréa à la barrière d’Italie avait eu pareillement ce caractère de fureur impersonnelle, sans que personne puisse être justement reconnu comme l’auteur ou l’inspirateur du crime, bien que la répression ait désigné et atteint des individualités distinctes.

LE MASSACRE

La foule, à l’arrivée du nouvel otage, avait brisé les carreaux de la pièce où étaient gardés les prisonniers. Elle poussait des cris de mort. Elle menaçait d’enfoncer la porte. Il y avait de tout dans cette cohue hurlante : des gardes nationaux sans doute, mais en petit nombre, noyés dans les flots écumeux de la tourbe arrivée là de tous les coins du vaste arrondissement. Des soldats du 88e et des chasseurs du 18e bataillon gesticulaient parmi les plus acharnés. Les femmes étaient en majorité. Quelles femmes ? Toutes celles qui se sont trouvées sur la Butte, ce jour-là, ont été dépeintes comme des mégères hideuses, des prostituées ivres et cruelles. Une distinction est à faire. Il y avait de cette espèce certainement, mais le matin c’était un autre public que celui de l’après-midi. Ce furent, lors du réveil, au bruit du tambour, seulement des ménagères du quartier allant aux provisions, des mères de familles attirées par la rumeur, qui formaient un cercle, suppliant et bienveillant, autour des soldats, des artilleurs. Ces bonnes femmes