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entraîna le massacre, — dit M. Gaston Dacosta, fort bien documenté sur ces événements. À la suite de Clément Thomas, une partie de la foule a pénétré dans la petite villa du No 6. Dans la pièce, qui abritait encore les prisonniers, le général Clément Thomas était à droite, en entrant ; le général Lecomte était assis au fond sur un canapé, les autres officiers étaient massés dans un angle…

L’arrivée imprévue du malheureux général Thomas, dit le comte Beugnot, nous a tous perdus…

Après deux heures d’attente, le général Clément Thomas fut amené, a dit le capitaine Franck, dans sa déposition au procès du capitaine Garcin, déposition suspecte, car le procès n’eut lieu que quelques années après la condamnation de ceux qui furent accusés d’avoir participé à l’exécution, et Garcin se trouvait assumer seul les rancunes survivantes. Le capitaine a ajouté : Garcin, qui commandait en maître, l’insulta en ces termes :

« Tu es fait verser le sang de nos frères, il faut que tu nous rendes des comptes ! »

Le général ayant répondu : Je suis plus républicain que vous. Vous n’êtes qu’un braillard, une canaille ! je n’ai pas de comptes à vous rendre ! Garcin lui adressa alors des paroles qui signifiaient : tu vas payer tout cela, tu vas être fusillé !…

Ce fut donc la présence seule de Clément Thomas qui déchaina la fureur des assistants, et provoqua le massacre. Les témoignages sont également d’accord pour reconnaître que les officiers des gardes nationaux firent tout ce qu’ils purent pour calmer la foule, pour empêcher l’effusion du sang. Mais leurs courageux efforts restèrent impuissants. Nul alors n’écoutait, ne voulait obéir, c’était un délire, une orgie sèche, où les cris, les gesticulations, les poings levés et les fusils brandis développaient l’ivresse générale. Ce qui établit qu’aucun chef ne commanda le meurtre, c’est précisément l’acharnement de cette populace furieuse contre Clément Thomas. Des insurgés, des chefs révolutionnaires, désireux de frapper un ennemi politique, poussés à une exécution par une fureur de parti eussent plutôt décidé