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taille et son allure militaire, le chassepot tenu à l’épaule par la bretelle, se pencha et dit :

— Qu’est-ce qu’il y a, citoyen ?

— C’est Clément Thomas !

Bien malgré moi, ce fut son arrêt de mort que je prononçai.

— Ah ! c’est un fusilleur de 48, dit homme ; eh bien ! puisqu’on le tient, il faut lui rendre la pareille.

Ce que c’est que le hasard ! si j’avais pu songer un instant aux terribles conséquences de mes paroles, si j’avais pu prévoir que du sang répandu viendrait jeter sa note de tristesse au milieu de la joie immense et du beau soleil, j’aurais peut-être sauvé l’homme.

Mais il était sans doute écrit qu’il devait mourir.

Le nom de Clément Thomas courut dans la foule avec la rapidité de l’éclair, et un instant après, nous roulions écrasés par le peuple en furie qui poussait des bûrlements de mort.

Des baïonnettes passaient par-dessus nos têtes, fouillant avec rage pour atteindre et frapper la victime.

Nous élevions les bras pour parer ces terribles coups lancés, mais comme on est égoïste, c’était plutôt pour nous garantir des blessures que pour en préserver le général.

Il devait être brave, mais comme s’il avait eu la vision de ce qui l’attendait plusieurs heures plus tard, son visage était livide.

(P. Cattelain, Mémoires inédits du chef de la Sûreté sous la Commune. Juven éd. — sans date.)

Ainsi, un hasard amena l’arrestation de Clément Thomas, auquel personne ne songeait, et qui était comme disparu, oublié. Cette arrestation eut les plus terribles conséquences. Tous les témoignages contemporains s’accordent pour reconnaître que si l’ex-général de la garde nationale n’avait pas eu son triste sort associé à celui du général Lecomte, ce dernier aurait eu la vie sauve. Le sang produit le sang. L’ivresse meurtrière est communicative. L’exaspération contre Clément Thomas entraîna l’accès de fureur contre Lecomte.

Ce fut cette arrivée de Clément Thomas rue des Rosiers, qui