Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/458

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mourir. Clément Thomas avait donc eu tort de taxer de forfanterie les démonstrations belliqueuses de la garde nationale, Des bataillons qui envisageaient, sans faiblir, l’éventualité d’une bataille dans Paris, la nuit, avec l’armée prussienne, maîtresse des forts, et décidée à tout exterminer, à tout bombarder, ne méritaient pas les mépris de l’ancien général de guerre civile. On n’avait pas oublié ces griefs à Montmartre. Les vieux de 48 étaient là pour faire chorus avec les jeunes de Buzenval. Ces souvenirs furent un stimulant de haine et de vengeance, quand Clément Thomas se trouva pris, comme dans un piège où il se serait lui-même jeté.

On ne sut pas bien ce qui l’avait poussé à venir place Pigalle, au moment où l’on s’y battait. Plaisir d’amateur, de connaisseur, attirance semblable à l’attraction qui pousse les anciens lamaneurs à stagner sur la jetée, contemplant la fureur des vagues et la difficulté des luttes soutenues contre les flots par ceux qui les ont remplacés, ou bien simple badauderie, besoin de savoir ce qui se passait ? On a cru aussi à un désir d’avoir des nouvelles des généraux, dont quelques-uns étaient ses amis. On lui a également prêté l’intention de réclamer aux gardes nationaux, à la mairie de Montmartre, un de ses anciens officiers d’ordonnance, qu’on lui disait y avoir été conduit prisonnier. Une homonymie l’aurait abusé. Enfin, peut-être obéissait-il à la pensée vaniteuse d’observer les fautes commises, et de noter, avec l’intention de le faire savoir à ses amis et protecteurs politiques, ce qu’il eût fait à la place de ceux qu’on avait chargés de réduire Montmartre, et comment il eût, lui, maté l’insurrection, puisque c’était sa spécialité et qu’il avait fait ses preuves. Cette aventureuse incursion sur un champ de guerre civile devait lui coûter la vie.

Son arrestation a été racontée d’une façon pittoresque,