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qui mirent la main sur le général furent un caporal du 48e bataillon de chasseurs à pied, un soldat du 88e de marche et deux gardes mobiles ? Un de ces derniers misérables, lui mettant le poing sur la figure, lui disait :

Tu m’as donné une fois huit jours de prison : c’est moi qui te tirerai le premier coup de fusil !

C’était une scène hideuse, à rendre fou, bien que nous ayons tous fait le sacrifice de notre vie. Il était cinq heures. Une clameur immense domine toutes les autres, une bousculade affreuse se passe dans la cour, et nous voyons tout à coup jeter au milieu de nous ou vieillard à barbe blanche, vêtu d’habits bourgeois noirs, et coiffé d’un chapeau haute forme. Nous ne savions pas quel était ce nouveau prisonnier, et nous plaignions, sans Le connaître, ce vieillard inconnu qui n’avait évidemment plus que quelques instants à vivre.

Le lieutenant Meyer me dit que c’était Clément Thomas, qui venait d’être arrêté rue Pigalle, au moment où il se promenait en curieux ; qu’il a été reconnu par des gardes nationaux, et traîné aux Buttes Montmartre pour partager notre sort.

L’arrestation et l’arrivée de ce prisonnier nouveau, Clément Thomas, furent probablement la cause du meurtre de Lecomte.

ARRESTATION DE CLÈMENT THOMAS

Clément Thomas était un républicain autoritaire de 1848. Il n’avait eu, dans l’armée, sous la monarchie de Juillet, qu’un grade inférieur. Elu député par la Gironde et lié avec tous les chefs du parti républicain, il était devenu colonel de la 2e légion, puis général en chef de la garde nationale, à la suite de l’insurrection du 15 mai 48. Il avait laissé des souvenirs plutôt pénibles, et son nom était peu populaire, bien qu’assez oublié en 1871. Exilé à la suite du coup d’État, il avait pendant le siège été replacé à la tête de la garde nationale. Il démissionna au mois de janvier,