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quoi n’est-il pas intervenu, n’a-t-il pas imposé son autorité ? C’est qu’il eut, lui aussi, peur de cette foule menaçante, grossie à chaque minute, où se mêlaient aux gardes nationaux des éléments nouveaux, dont il ne se sentait plus le maître. Il craignit de se jeter dans une bagarre redoutable, d’y jouer sa popularité, et peut-être sa tête, en essayant de résister à ces fauves en fureur, en osant leur disputer la proie. Les membres du Comité de Vigilance ne songèrent même plus à conserver des otages, quand ils connurent les sentiments frénétiques de la foule. Ils eurent peur d’elle. Ils eurent recours à l’abstention, bouclier méprisable et souvent insuffisant des irrésolus et des timorés. Le Comité tira, comme on dit, son épingle du jeu ; il laissa faire, abandonnant les malheureux otages au torrent populaire, s’abandonnant lui-même.

Il est établi que, jusqu’à l’après-midi, le poste du Château-Rouge parut assez sûr. Il n’était pas question, dans la matinée, du transfèrement des prisonniers. Ceux-ci réclamaient cependant d’être conduits devant le « Comité », sans savoir au juste qui composait ce pouvoir populaire, dont ils invoquaient à tout hasard la juridiction inconnue, et duquel ils espéraient obtenir un ordre d’élargissement, puisque les gardiens semblaient lui obéir. Peut-être fut-ce sur leurs instances réitérées, pour se soustraire à leurs réclamations, en même temps qu’aux difficultés de leur garde, que le capitaine Simon Mayer vint demander au Comité de Vigilance l’ordre de transfèrement, qu’il obtint.

RÉCIT DU COMTE BEUGNOT

On a sur ces événements le récit, véridique et coloré, d’un des témoins, l’un des officiers mis en état d’arrestation, le comte Beugnot. Cet officier était le petit-fils du comte