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teau-Rouge, avait eu l’intention de faire tuer ces malheureux, il n’aurait eu qu’à écarter les gardes nationaux qui les protégeaient, qu’à laisser les détenus exposés au contact de la foule furieuse et sauvage. Le transfèrement des prisonniers du Château-Rouge, endroit découvert, mal gardé, aux portes facilement franchissables, était plutôt pour eux une mesure de sauvegarde et de salut. Les circonstances firent que les choses tournèrent différemment. Mais il est impossible de voir, dans cet ordre fatal, un calcul scélérat, une préméditation sanguinaire.

On fera cette objection qu’aucun des membres de ce Comité de Vigilance ne parut, l’ordre donné, et que ces chefs populaires, en se dérobant, exposèrent les prisonniers à la violence de la foule C’est exact : pas un des membres du Comité ne se montra, ni au Château-Rouge, ni rue des Rosiers, mais ce ne fut pas pour permettre à la populace de se ruer sur les otages. Si ces chefs avaient eu cette arrière-pensée criminelle, ils eussent maintenu les officiers au Château-Rouge, plus facilement envahissable, et ils ne les eussent pas fait conduire au poste, où ils avaient la haute-main, où ils devenaient garants de leur sécurité. Les auteurs de ce transfèrement encouraient, de ce chef, une responsabilité personnelle qui pouvait être grave, car, à ce moment, on ignorait le succès complet de l’insurrection ; on savait seulement que quelques soldats du 88e avaient levé la crosse en l’air, mais les autres troupes avaient été ramenées par leurs chefs dans les casernes ; elles pouvaient en revenir.

Pourquoi donc le Comité de Montmartre, ayant mis les prisonniers à l’abri de la double éventualité d’être délivrés facilement par le gouvernement renvoyant des forces suffisantes, ou d’être enlevés et massacrés par la foule, ne s’est-il pas montré, dès que le péril lui fut signalé ? Pour-