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ment Thomas et Lecomte fut un acte inhumain et déplorable, autant qu’impolitique. On ne saurait l’excuser. Il est permis seulement, en plaignant ces infortunés, de s’étonner qu’ils aient été les uniques victimes, au milieu du formidable bouleversement d’une ville de deux millions d’êtres.

Les récits sont nombreux et les versions différentes sur cette catastrophe. Voici, d’après des documents contemporains et des souvenirs personnels, le résumé de ces tristes événements, qui ont imprimé à la première page de l’histoire de la révolution parisienne une tache sanglante, que la réaction a par la suite démesurément élargie, dont elle a abusé. Elle a vu et montré par le gros bout de la lorgnette les flots de sang répandus par elle dans les rues de Paris, et par le bout grossissant les regrettables gouttelettes de la rue des Rosiers.

Le général Lecomte fait prisonnier par les gardes, par la foule, et aussi par quelques-uns de ses soldats, fut conduit, dans une poussée furieuse, comme on l’a vu, au poste du Château-Rouge. Les huées, les menaces, les injures l’accablèrent, durant cette douloureuse dégringolade de la Butte en colère. Une descente de Calvaire, à laquelle devait correspondre, car les révolutions ont de ces terribles antithèses, la montée, cruelle aussi, du membre de la Commune Varlin, deux mois après. Peut-être fut-ce à peu près la même tourbe insultante et féroce, qui fit semblable cortège ignominieux au général et au communard.

Lecomte avait été remis, par ceux qui l’entraînaient, au capitaine Simon Mayer du 79e bataillon, qui commandait le poste. Il était environ neuf heures et demie.

Simon Mayer traita avec humanité son prisonnier. Il le consigna dans une petite pièce, au second étage du pavillon du Château-Rouge. Les officiers, également arrêtés,