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utile, c’est qu’on leur a donné l’ordre en conséquence. Qui a donné cet ordre ? M. Thiers fut très évasif sur ce point, lors de sa déposition dans l’Enquête :

À trois heures, a-t-il dit, les troupes étaient sur pied, sortant des casernes, et, à cinq heures, elles arrivent aux pieds des hauteurs, qui furent enlevées avec une extrême promptitude. Malheureusement il restait une opération très difficile à exécuter, et qui ne fut pas aussi bien conduite que la première. Un gouvernement qui se respecte doit partager les malheurs communs, et ne s’en prendre à personne lorsque le succès n’a pas toujours consacré ses efforts. Nous avons été malheureux dans la seconde opération, qui consistait à emmener les canons. Je pourrais accuser celui-ci ou celui-là, je ne le ferai pas, quoiqu’on ait souvent moins d’égards pour moi. Je ne dirai pas à quoi a tenu la faute commise, si toutefois il y a faute…

Pour qui sait l’impétuosité et la violence autoritaire de M. Thiers, il est évident qu’il n’eût pas hésité à dénoncer, et à blâmer sévèrement, l’auteur de l’ordre mal donné, ou ceux qui l’avaient mal interprété. Il n’a signalé ni Vinoy, ni un chef quelconque, comme coupables de cette désobéissance. Il n’a infligé à personne le blâme que méritait justement celui qui, par sa négligence ou son oubli, avait empêché le général Leconte de se retirer avec les pièces qu’il avait prises. Aux Buttes-Chaumont, il y eut même retard. L’auteur resté anonyme de l’ordre tardif est donc responsable de l’échec et de ses conséquences. M. Thiers ne voulut pas livrer le nom de l’officier coupable, et pour cause ! c’était lui-même, ou, d’après son ordre, c’était Vinoy qui avait donné les instructions, laissant un intervalle, entre la prise des canons et leur enlèvement, assez long pour permettre aux gardes nationaux surpris de battre le rappel, de se rassembler, de recourir aux armes, et de commencer la période insurrectionnelle, qu’attendait, que voulait J M. Thiers.