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leurs sacs, de leurs approvisionnements, et de tout ce qui assure leur situation. Je déclarai que cette façon d’engager les soldats sans leurs bagages était une faute considérable…

J’insistai beaucoup. Mon opinion ne fut pas suivie par le Conseil. On me dit que cela contrarierait le général Vinoy. Cependant, vers neuf heures du soir, je fis appeler le général Vinoy, et je lui fis de nouvelles représentations sur la résolution qu’il avait prise de laisser les bagages dans les casernes. Il persista dans son opinion. J’eus la faiblesse de lui céder. Je lui dis : je cède, mais j’ai la conviction qu’il résultera de cette mesure de très graves inconvénients ; je cède donc parce que l’opinion du Conseil m’est défavorable, mais je déclare que si pareille situation se reproduisait, je donnerais ma démission plutôt que de l’accepter.

Le combat s’engagea le lendemain. Les ordres n’avaient pas été parfaitement donnés, j’en avais fait l’observation. Les troupes devaient partir à trois heures du matin, et être en face des pièces d’artillerie à cinq heures au plus tard. Les choses se passèrent à peu près ainsi, Les troupes étaient sur les Buttes Montmartre à peu près à six heures, et il n’y avait plus qu’à enlever les pièces. Malheureusement les équipages n’étaient pas là, et il fallait une heure et demie pour qu’ils vinssent de l’école militaire. Ils n’arrivèrent qu’à huit heures, quand la population avait eu le temps de s’éveiller et l’agitation de se produire dans tous les quartiers.

Autre inconvénient. Les troupes étaient un peu dispersées. Il y en avait place de l’Hôtel-de-Ville, place de la Bastille, sur les boulevards, sur le canal Saint-Martin, et encore plus loin. Mais enfin le grand malheur résultait de ce que les attelages n’étaient pas là ; s’ils étaient arrivés à six heures du matin, il n’y a pas de doute que les troupes n’eussent opéré leur retraite, sans être inquiétées d’une manière sérieuse. Voilà donc une des causes principales, à mon sens, de l’insuccès de la journée.

(Enquête Parlementaire. Déposition du général Le Flô, t. II, pp. 78-79.)

Cette déposition, intéressante à plusieurs titres, précise trois points importants : d’abord que le ministre de la Guerre n’a pas été consulté, n’a pu prendre aucune disposition, et que, quand il a émis un avis sur les mesures