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tant de hâte à se mettre à l’abri ? Avait-il peur que ses soldats ne reprissent l’offensive, ou l’avantage ? On le croirait. Il a vu les troupes attaquées par des femmes, qui cherchaient à embrasser les soldats, et cela lui a paru une force supérieure, un élan à ce point irrésistible, qu’il n’y avait plus, selon lui, qu’à battre en retraite, aussi vite que possible. Mais au Deux-Décembre, notamment dans le Var, où ce même Vinoy s’était signalé par ses actes de vigueur, il y avait aussi des femmes avec les insurgés. Leur présence a-t-elle arrêté Vinoy et ses soldats ? Et Montmartre était-il si imprenable que le prétendirent les généraux du Dix-Huit mars ? La Butte était-elle plus inexpugnable ce matin-là, où cependant il y avait eu surprise, où les gardes nationaux ne vinrent que tardivement, isolément d’abord, et ensuite par groupes rassemblés au hasard, au bruit du rappel battu spontanément, où ces défenseurs improvisés ne firent pas usage de leurs armes, où il n’y eut pas un soldat de tué ? Dans les journées de mai, où la défense était sérieuse, où les combattants étaient organisés, préparés, où il y avait des batteries qui tiraient des Buttes-Chaumont, où les ruelles de la Butte étaient couvertes de barricades, où la poudre et le sang enivraient les défenseurs exaspérés, où les fusillades sommaires annonçaient qu’il n’y avait pas de quartier à attendre, et qu’il fallait résister jusqu’à la dernière cartouche, jusqu’au dernier homme, Montmartre fut pourtant surpris, emporté et conservé. L’opération de la matinée du Dix-Huit mars était un jeu d’enfants en comparaison. Puisque Montmartre était très vulnérable du côté de la plaine Saint-Denis, comme l’a reconnu Vinoy, en exécutant un mouvement tournant double, très facile, à droite, par le boulevard Ornano, à gauche par l’avenue de Saint-Ouen, en faisant jonction au centre de la boucle, rue Marcadet ; puisque Vinoy savait déjà par ses espions, à défaut de