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et faites attention à ce que c’est que de descendre, à bras, des canons des Buttes-Montmartre. Vous savez que pour trainer des pièces de quatre ou de huit, il faut quatre chevaux, et qu’il s’agissait de pièces de douze. Nous avons ramené, je crois, soixante-dix pièces de canon, il eût fallu deux ou trois jours pour ramener tout le reste. Et du reste, les fédérés pouvaient en prendre d’autres sur les remparts. Les premières pièces furent donc enlevées, mais ceci ne s’était pas fait sans bruit.

Et voilà les femmes, les enfants, qui sortent des maisons, qui commencent à parler avec les soldats, qui s’approchent, les femmes en tête, et qui forment une espèce de barricade vivante, les hommes restent par derrière, et tout d’un coup : Vous ne tirerez pas sur nous ! vous êtes nos frères ! Un régiment qui lève la crosse en l’air, les autres qui sont cernés ! Je donne, en apprenant cela, l’ordre de se replier le plus vite possible sur le Champ de Mars.

Cette explication n’explique pas grand’chose. Qu’il y ait eu de sérieuses difficultés de transport, à raison du nombre des pièces, de leur lourdeur et des pentes raides à parcourir, c’est évident. Mais les généraux devaient avoir prévu ces obstacles, qui n’étaient pas insurmontables. On a eu plusieurs fois, dans les guerres, des montées, des descentes de canons aussi pénibles, et il fallait opérer alors sous le feu de l’ennemi. Les Prussiens notamment, le jour de la bataille de Buzenval, ont armé des batteries sur les pentes de Garches et de Vaucresson, autrement escarpées et d’accès plus difficile que celles de Montmartre. Et les attelages ? pourquoi ont-ils fait défaut ? Et le général Paturel, et le général Susbielle, et Vinoy lui-même, pourquoi ne sont-ils pas venus au secours du général Lecomte ? Vinoy ne souffle pas un mot de tout cela ; il ne dit même pas pourquoi il était si pressé de détaler avec toute une armée, au bruit de quelques coups de fusils tirés place Pigalle, qu’il en a perdu son képi en galopant à fond de train sur la déclivité de la rue de Clichy. Il n’avait pas d’ennemi aux trousses, pourquoi