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épaule et fait feu. Le capitaine de Saint-James tomba mortellement blessé, victime de sa témérité, plus que des ordres donnés.

En voyant le capitaine jeté à bas de son cheval, les gendarmes embusqués derrière les baraquements font feu. Les gardes nationaux tirent à leur tour, et battent en retraite, dans la rue Houdon, jusqu’au passage Piemontesi. Les gendarmes veulent les suivre. Une courte lutte à la baïonnette s’engage. Quelques gardes nationaux sont blessés. Les chasseurs sont demeurés immobiles, en selle, au fond de la place. Les gendarmes sont repoussés. Ils se sauvent en courant. Les femmes, comme précédemment sur la Butte, se jettent au milieu des soldats, lignards et chasseurs. Le combat est fui. Les hommes du 88e arrivent en masse accroitre la débandade. Le général Susbielle, dont les chasseurs protègent la retraite, s’éloigne par le boulevard, où se tient le général Vinoy. Le peuple, les gardes nationaux, la troupe fraternisent. On fait circuler du vin, des vivres. On s’empare d’une mitrailleuse, abandonnée par les fuyards. Le boulevard est évacué, et le 88e de ligue, acclamé par la foule, redescend dans l’intérieur de Paris, par la rue Duperré[1].

La place Pigalle fut donc le seul endroit où il y eut collision sérieuse, avec des blessés et deux ou trois hommes tués, dont le capitaine de chasseurs, en cette journée qui ne fut guère qu’une déroute générale, et un désarmement de la troupe, pacifique, presque partout volontaire. L’armée avait refusé de tirer sur des femmes, des enfants et des citoyens qui les acclamaient et leur faisaient de fraternelles

  1. L’auteur vit une bande de d’individus des deux sexes, faméliques et déguenillés, accourus on ne savait d’où, se jeter sur le cheval tué du capitaine de chasseurs, abandonné dans une mare de sang, sur le pavé. En un instant, l’animal fut dépecé. Les affamés se sauvèrent après s’être partagé les chairs saignantes de cette pitance inattendue.