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l’oreille, attendant des renforts. Un peu plus haut, dans la rue Houdon, vers le mur des jardins de l’asile de la Providence, une masse compacte de gardes nationaux s’apprêtait à barrer le passage à la troupe, si elle faisait mine d’avancer. Il n’y avait là ni barricades, ni pièces de canons.

Le général Susbielle était en personne sur la place, auprès d’un marchand de vins, à l’angle de la rue Duperré, dont la boutique et les salles adjacentes occupaient tout le rez-de-chaussée. Il donna l’ordre de dégager la place et l’entrée de la rue Houdon. Le capitaine chargé d’exécuter cet ordre crut bon d’employer le procédé usité par la garde de Paris dans les fêtes publiques et les cérémonies, lorsqu’il s’agit de déblayer un endroit encombré.

Il commanda à ses cavaliers de tourner leurs montures, de façon à ce que la croupe des chevaux étant en contact avec la foule, elle fut contrainte de céder la place, à mesure que les chevaux reculeraient. C’était une manœuvre inoffensive, et qui pouvait être efficace. Elle était plus humaine qu’une charge en avant, sabre au clair. Mais la foule ne comprit pas la bonne intention. Elle interpréta cette poussée sans danger comme une véritable reculade. Elle hua les cavaliers. Le capitaine, il se nommait Saint-James, perdit alors le sang-froid, et, furieux, fit faire volte-face à ses chasseurs, Il commande : en avant ! Les cavaliers hésitent, s’arrêtent. La capitaine répète son commandement, et, bravement, lance son cheval en avant. Arrivé sur la foule, il veut la sabrer. Mais les rangs de cette foule, jusque-là désarmée et à peu près paisible, s’étaient grossis de gardes nationaux, ayant avec eux des lignards du 88e, entraînés depuis la rue Muller. Les lignards s’avancent, parant les furieux coups de sabre du capitaine avec leurs baïonnettes. Un de ces soldats est cependant blessé ; irrité, il recule,