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cette heure critique, aussi démoralisés que leurs soldats. Ils se résignèrent facilement à la défaite, à la retraite. La déroute était dans l’air, dans les esprits, dans les rangs, partout.

LA PLACE PIGALLE

La place Pigalle fut le théâtre de l’unique collision sanglante, dans cette matinée si mouvementée et si étrange[1]. Cette place était occupée, dans sa partie touchant à l’ancien Paris (9e arrondissement), par un escadron de chasseurs à cheval. De longues files de baraquements, ayant servi au logement des mobiles, pendant le siège, occupaient le terreplein ou allée centrale, entre les deux voies du boulevard de Clichy. Des gendarmes, des soldats de la ligne étaient postés derrière les baraquements. De l’autre côté, sur la chaussée du boulevard Clichy, numéros pairs, aux abords de la rue Houdon, Germain-Pilon et du passage de l’Élysée des Beaux-Arts, une foule était massée, foule sans armes, curieuse, grondante, impressionnée, piétinant dans l’attente, comme si un cortège allait passer. Il y avait des enfants, beaucoup de femmes, des ménagères du quartier. Au bas de la rue Houdon, très rapide, quelques gardes nationaux, placés en avant-garde, guettaient, prêtaient

  1. L’auteur a assisté, par hasard, aux divers incidents de la place Pigalle. Entendant battre le rappel dans la matinée, bien que n’appartenant pas à la garde nationale, il sortit de chez lui, avenue Trudaine. Il avait projeté, avec un ami, qu’il devait prendre aux Batignolles pour déjeuner, de se rendre aux obsèques de Charles Hugo, dont le corps était ramené de Bordeaux, ce jour-là. Passant par la rue de Laval (aujourd’hui rue Victor-Massé}, il débouchait rue Frochot, donnant sur la place Pigalle, quand il vit des gendarmes, sortis d’un poste de la rue Bréda, s’apprêter à tirer. Il se rangea le long de la grille de la cité Frochot, et entendit le coup de feu qui tua le capitaine des chasseurs. Il vit ensuite les hommes du 88e se retirer, par la rue Duperré.