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protéger le général, surtout contre la vengeance des soldats qu’il avait fait conduire à la tour Solférino, en les menaçant, quand l’affaire serait finie, de les punir, de les faire fusiller peut-être. Des énergumènes, des femmes en folie, cherchent à l’approcher, pour le frapper. Les foules féroces sont partout les mêmes. Ces scènes inhumaines, cette ruée de multitudes sur des vaincus sans défense se retrouvèrent souvent. On les verra se produire aussi dans les rues de Versailles, quand les convois de prisonniers de la Commune défileront lamentablement, sous les huées des élégants messieurs, et sous les ombrelles des belles dames, cherchant à atteindre les captifs, visant aux yeux, et poussant de leurs voix aiguës des cris de mort.

Le malheureux général Lecomte fut dirigé, avec quelques officiers faits prisonniers comme lui, ou spontanément se rangeant à ses côtés pour partager son sort, sur le Château-Rouge. Là se trouvait un poste principal, sous le commandement du capitaine Simon Mayer, du 79e bataillon.

Hommes, femmes, enfants, soldats, gardes nationaux, avec le général et les officiers, encadrés de gardes, descendent alors la rue Muller, dans une confusion bruyante. On crie, on insulte, on chante la Marseillaise, on acclame la ligne, et on conspue Vinoy. C’est une bousculade désordonnée, où percent les sons stridents du clairon. Un arrive enfin au Château-Rouge. Le général Lecomte, très pâle, les lèvres balbutiant des paroles d’apaisement et d’excuses, invoquant les ordres reçus et son devoir de soldat, se rassure, se croit sauvé. On l’entraîne dans une salle du pavillon, au premier étage, à gauche, où le reçoit le capitaine Simon Mayer. Il est neuf heures du matin.