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aposté pour donner le signal d’une tuerie, où s’il avait agi de son propre mouvement, par zèle policier, pensant que son coup de feu se confondrait avec ceux des soldats. Il fut assommé, et précipité dans les ravins des Buttes.

Le général Lecomte redescend vivement, répète au plateau inférieur l’ordre de tirer qu’il a donné aux chasseurs du commandant Poussargues. Les hommes du 38e semblent ne pas l’avoir compris.

Il réitéré son commandement. Les soldats paraissent ne pas entendre. Ils persistent dans leur immobilité, gardent l’arme au repos. Tout à coup un mouvement se produit dans les rangs. De nouveaux assaillants se présentent. Ce sont des gardes nationaux, mélangés avec des soldats. Entendant battre le rappel, ces gardes se sont rassemblés dans la rue Doudeauville, à Clignancourt, derrière le flanc oriental de la Butte. Ils avaient remonté le boulevard Ornano, dans la direction du Château-Rouge. Un poste fourni par le 88e de marche se trouvait sur leur passage, rue Dejean. Des gardes se détachent, vont aux soldats, leur parlent, les engagent à se joindre à eux ; ils les persuadent, les entrainent. Le déterminisme qui les décide est facile à concevoir, et ces soldats découragés, harassés, à jeun, sont des recrues désignées pour la rébellion. Lignards et gardes nationaux s’enfoncent bientôt dans le torrent humain de la rue Muller, qui les roule jusqu’au plateau, où le général Lecomte vainement s’efforce d’exciter ses soldats à tirer.

Les soldats du 88e, voyant leurs camarades venir à eux, avec des gardes nationaux, semblent se disposer à les rejoindre, et à fraterniser pareillement. Le général Lecomte sent leur indécision. Il commande, d’une voix irritée, aux sergents de ville de s’emparer de quelques mutins qu’il désigne. L’ordre est exécuté : « Conduisez-les à la tour Solférino, et gardes-les. J’irai les prendre plus tard ! » crie