Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA CROSSE EN L’AIR

Les attelages n’arrivaient pas, et la foule augmentait sur la Butte. Le cercle grouillant s’épaississait et se rétrécissait. Un filet humain, resserrant ses mailles, entourait le général et ses officiers. Un bruit de tambours battant la charge roulait au loin, sensiblement se rapprochait. Une centaine de gardes nationaux apparurent, Venus par la rue Muller, montant vers le plateau supérieur. Les deux sentinelles placées au bas de la rue Muller s’étaient repliées vivement, donnant l’alarme. Les gardes nationaux sont bientôt au pied de la tour Solférino. Ils s’arrêtent. Deux hommes se détachent, et l’un d’eux met un mouchoir au bout d’un fusil. Un troisième personnage suit, à quelque distance, ces deux gardes, qui semblent venir en parlementaires.

Le commandant Poussargues, qui se trouve Sur ce plateau supérieur, envoie le capitaine Franck, des chasseurs, prévenir le général Lecomte que des gardes nationaux s’avancent vers lui ; il demande s’il doit faire tirer. Le général fait répondre de repousser les assaillants à la baïonnette, sans faire feu.

Mais bientôt le commandant Vassal et le général Lecomte se trouvent immobilisés au plateau inférieur, envahi par la foule. Les femmes tumultueusement s’interposent. Elles forment tampon, entre les gardes nationaux et la troupe. Elles crient, elles interpellent, elles lèvent les bras, elles tendent des enfants, elles en dressent à la hauteur de leurs épaules, et elles supplient : « Ne tirez pas sur nous ! Vous êtes des amis ! On est tous des frères ! » disent-elles aux soldats. Les hommes du 88e de ligne semblent hésitants, apitoyés. Les sergents de ville et les municipaux, sous les ordres de Vassal, gardent plus ferme contenance. Ces piailleries féminines ne semblent pas les émouvoir. On peut