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que, ait donné l’éveil, mais on sentait bien que la journée ne finirait pas là.

La cantinière et moi, nous avions pansé Turpin, en déchirant notre linge sur nous. Alors arrive Clemenceau, qui, ne sachant pas le blessé déjà pansé, demande du linge. Sur ma parole et sur la sienne de revenir, je descends la butte, ma carabine sous mon manteau, en criant : Trahison !

Une colonne se formait. Tout le comité de vigilance était là : Ferré, le vieux Moreau, Avronsart, Le Moussu, Burlot. Scheiner, Bourdeille, Moutmartre s’éveillait, le rappel battait, je revenais en effet, mais avec les autres, à l’assaut des Buttes…

(Louise Michel, la Commune, p. 140. P. V. Stock édit. Paris, 1898.)

Louise Michel partie, le docteur Clemenceau, à qui l’on n’avait pas permis de soigner le blessé, insista pour qu’il fût transporté à l’hôpital, sur un brancard. Le commandant Vassal ayant refusé cette nouvelle demande, il s’adressa au général Lecomte, qui venait d’arriver. Le général, plus énergiquement encore que son subordonné, éconduisit Clemenceau. Il s’opposa au transport du blessé et donna ses motifs. « Je sais ce que l’on a fait dans les émeutes, dit-il, d’un cadavre qu’on promène sur un brancard ! L’homme restera là, et vous, le médecin civil, votre place n’est pas ici, nous avons notre major… — Mais je suis le maire de l’arrondissement ! fit observer Clemenceau. — Eh bien, allez à votre mairie ! » répondit brutalement le général. Clemenceau dut faire demi-tour, et regagner sa mairie. La fatalité semble ici être intervenue, comme dans les tragédies antiques. Si Lecomte avait laissé Clemenceau visiter le blessé, S’il eût autorisé le transport, le maire de Montmartre eût été encore présent quand la foule survint, enveloppa le général et le fit prisonnier. Lecomte eût été gardé, mais sauvé. Le maire de Montmartre ne revint sur la Butte qu’à cinq heures et demie, quand Lecomte venait d’être fusillé.