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desquelles on a mis bien des torches qu’elles ne portèrent jamais, les rendant responsables de brasiers qu’elles n’avaient point allumés. Louise Michel avait la voix douce, le regard franc et limpide. Son visage était sans doute fort distant de la pureté académique, mais la bonté resplendissait à travers cette physionomie irrégulière, et sa laideur disparaissait sous la clarté de l’âme qui transperçait. Elle n’était farouche qu’en politique. Elle n’eut jamais d’autres ennemis que ceux de la République. Elle se montrait terrible au combat, autant que bienveillante dans la vie privée, et maternelle à sa classe. À la tribune, elle apparaissait comme une illuminée, pour beaucoup telle qu’une sorcière, de celles qu’on brûlait au Moyen-Age. Il ne faut pas oublier que Jeanne la Pucelle, qui, comme elle, fut guerrière, fanatisée, et populaire, ne put éviter l’accusation de sorcellerie. Louise avait gardé la virginité, qui semble inséparable de la vocation et de l’influence de ces êtres, poussés par une sorte de force surnaturelle à l’apostolat et au martyre, en écoutant des voix qui leur imposent leur mission. La Vierge rouge voulait bouter hors de la République les réactionnaires, les exploiteurs, les parasites, les méchants, comme l’autre Vierge les envahisseurs, hors du sol de France. Louise considérait que sa mission consistait, non plus à faire sacrer un roi à Reims, mais à faire consacrer à Paris la République. Il y avait en elle un mélange de l’exaltation de sainte Thérèse, dans son extase voyant resplendir la Révolution, de la vaillance de Jeanne Hachette qui se battait sur les remparts de Beauvais comme un homme d’armes et aussi du dévouement de cette Elisabeth de Hongrie, qui, de ses mains royales, pansait les ulcères, et ne se trouvait à sa place que penchée vers des malheureux dans l’ombre malsaine des maladreries. En résumé, une figure puissante et originale que celle de cette femme ardente, qui réin-