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nuit, hurler les loups, a-t-elle dit, mais ils ne me faisaient point peur. J’ai rencontré depuis d’autres loups, bien plus féroces que ceux de Vroncourt, et ceux-là non plus ne sont pas parvenus à m’intimider. » Sa mère était une servante que « le fils du château », comme il est de tradition dans les feuilletons du Petit Journal, avait séduite. Cette liaison n’était point conforme à la respectabilité bourgeoise ; cependant la servante, devenue mère, ne fut point jetée dehors, selon l’usage, et l’on prit soin de l’enfant. La petite Louise fut soignée, veillée, instruite, dans ce milieu aisé. Elle reçut une éducation supérieure à celle des filles du village, avec lesquelles cependant on la laissait jouer, n’étant point, par sa condition, susceptible d’être admise à partager les amusements des demoiselles du voisinage. Son instruction artistique fut très développée. Elle apprit la musique, le dessin, la peinture. La connaissance de ces arts, dits d’agrément, devait lui servir plus tard, non pas tant à gagner sa vie, car elle eut de bonne heure un emploi dans l’enseignement, puis elle tint école libre, mais à améliorer sa position, à faire des cours et à donner des leçons particulières. Toute sa vie elle s’adonna à la poésie et au dessin. On a d’elle des aquarelles fort curieuses, des crayons intéressants, et elle a publié des romans, des récits, des mémoires, œuvres diverses qui ne sont dénuées ni d’intérêt ni de mérite. Son ouvrage principal, la Commune, récit anecdotique, passionné, et sans doute trop partial, des événements auxquels avait participé l’auteur, fut édité à Paris en 1898, sous couverture rouge, par la librairie Stock.

Intelligente, studieuse, déjà isolée dès la prime jeunesse, se sentant l’objet de dédains sournois et de viles taquineries de la part des autres domestiques du château, qu’elle devinait jaloux et méprisants, la petite Louise éprouva de bonne heure le sentiment des inégalités sociales. Elle res-