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ment s’interrogeaient et bavardaient, des groupes se formaient aux comptoirs des marchands de vins. Des détonations avaient été vaguement entendues, et des gardes, échappés lors de la surprise du poste de la rue des Rosiers, avaient couru à la mairie et au Château-Rouge, donner l’alarme. Bientôt le tocsin se mit à sonner, et l’on entendit, dans la chaussée Clignancourt, les tambours battre la générale. Rapidement, ce fut comme un changement de décors dans un théâtre : toutes les rues menant à la Butte s’emplirent d’une foule frémissante. Les femmes formaient la majorité ; il y avait aussi des enfants. Des gardes nationaux isolés sortaient en armes, et se dirigeaient vers le Château-Rouge.

C’était un grand bal populaire, en vogue sous l’empire. Son entrée était rue du Château, auprès d’un carrefour formé à l’intersection de la chaussée Clignancourt, de la rue Ramey et de la rue du Château ; non loin débouchaient les rues Christiani, Myrrha, Muller.

Ce bal, d’une superficie considérable, dont les jardins descendaient primitivement jusqu’à la rue des Poissonniers, ayant été restreints pour l’ouverture du boulevard Ornano, renfermait un pavillon style Henri IV, bâti en briques rouges avec chaîne de pierres blanches, devant une pièce d’eau. Une tradition locale, d’ailleurs fausse, attribuait à la belle Gabrielle ce séjour. Le bâtiment qui servait de bureaux et de logement aux patrons de l’établissement, Chambon père et fils, avait été affecté pendant le siège à la garde nationale. Le comité de légion du XVIIIe arrondissement y siégeait, au Dix-Huit mars. Une cinquantaine de gardes s’y trouvaient quand l’alarme fut donnée. Ils prirent leurs fusils, se formèrent devant le Château-Rouge, et attendirent un bataillon, dont on entendait les tambours battant la charge du côté de la place Saint-Pierre. La foule cepen-