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MONTMARTRE DEBOUT

On était alors maître de la Butte. Il n’y avait eu ni combat ni clameur, ni même velléité de résistance. L’opération semblait avoir été des plus aisées. Les troupes n’avaient eu qu’à se montrer, et les canons étaient en leurs mains. Le spectre rouge de Montmartre s’était évanoui avec les brumes matinales. Il faisait jour à présent, et la bataille était gagnée. Elle n’avait pas té chère. Du côté de l’armée, pas une égratignure ; du côté des insurgés deux ou trois gardes blessés, dont le malheureux factionnaire surpris par les sergents de ville ; on avait transporté cet homme dans le poste de la rue des Rosiers. Le général Lecomte venait d’arriver sur le plateau. Il félicita les chefs et les hommes de la réussite de l’expédition. Il n’y avait plus qu’à emmener les canons vers l’École militaire et l’Esplanade des Invalides. Les vraies difficultés commençaient. Le transport des pièces dans Paris, la traversée des quartiers où des éléments hostiles devaient se rencontrer, c’étaient là des périls probables, mais il y avait d’abord à opérer la descente des plateaux de la Butte, par des pentes crevassées et des rues très raides. Le général Lecomte s’informa des attelages. On les attendait toujours. À sept heures, la tranchée, en avant du plateau, ayant été comblée et à peu près nivelée par les chasseurs, un passage parut praticable. Le général donna l’ordre de descendre, à bras, un certain nombre de canons. Une vingtaine de ces pièces furent ainsi, péniblement et lentement, transportées à mi-côte.

Tout cela avait pris du temps. Le grand jour était tout à fait venu. Montmartre cependant s’était réveillé, et déjà s’animait extraordinairement. Persiennes et volets s’ouvraient, avec des gens effarés, aux fenêtres, sur le seuil des boutiques. Autour des laitières, les ménagères curieuse-