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le moindre soupçon des projets de Thiers se fût répandu, des renforts seraient venus de toutes parts, et l’attaque de la Butte fût devenue une opération militaire difficile et meurtrière.

Les éclaireurs de la colonne Lecomte, gardiens de la paix et municipaux, s’étaient portés, par la rue Muller, sur le plateau inférieur, où se trouvait le parc d’artillerie, au-dessous du Champ Polonais. Un factionnaire les aperçoit. C’était un nommé Turpin, du 61e. Il crie : Qui vive ! et croise la baïonnette. On ne lui répond pas. Il voit s’avancer une masse noire dans l’indécision du crépuscule. Il crie : Halte ! et met en joue. Il ne tire pas, hésitant, ne sachant ce que veut cette troupe, ni d’où elle vient. Peut-être est-ce une patrouille de gardes nationaux, qui se trompe, et n’a pas entendu son injonction. L’hésitation lui fut fatale. Les gardiens de la paix, des Corses pour la plupart, anciens sergents de ville de l’empire, n’éprouvent pas le moindre embarras. Ils tirent aussitôt. Le malheureux Turpin tombe. Le petit poste de la rue des Rosiers, au bruit des détonations, prend les armes, sort précipitamment. Un feu de peloton l’accueille. Personne n’est touché, mais les gardes se sont retranchés dans la maison, où bientôt, cernés et couchés en joue, ils se rendent. On les désarme ; on les retient prisonniers. Quelques-uns de ces gardes peuvent s’échapper, et tirent des coups de fusil en dégringolant les pentes de la Butte. Les gardiens de la paix, dans les tranchées enveloppant le pare, tirent et blessent un ou deux de ces fuyards.

L’aube grandit. La crête de la Butte s’éclaircit, le ciel rosit. On distingue plus nettement autour de soi. Le chef des gardiens de la paix et de la demi-compagnie de municipaux, Vassal, donne l’ordre de s’emparer des canons, que personne ne défend plus. Une dizaine de pièces sont aussi-