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chaque compagnie, prétendent « la connaître dans les coins », la promenade militaire, car il ne devait être question que de cela, ne durerait pas longtemps, puisqu’on partait sans avoir fait le café matinal, et l’on n’irait pas loin, puisqu’on commandait de laisser les sacs. Les officiers, qui peu à peu arrivaient, ne savaient rien. Ils allaient et venaient dans la cour, formant de petits groupes ; ils échangeaient des paroles brèves, à voix basse, quelques-uns soucieux, d’autres nerveux et fébriles ; le plus grand nombre indifférents, paraissant ennuyés seulement d’être debout si matin. Quand ce réveil muet fut terminé, et que chacun fut à sa place, le signal du départ fut donné, sans cris, sans commandements répétés, sans le fracas joyeux qui accompagne une sortie de caserne. Ces troupes se mettaient en mouvement avec des allures furtives de bandes allant faire un mauvais coup. Les soldats de la nuit du Deux-Décembre devaient avoir cette allure-là.

Sans que l’alarme fût donnée, sans avoir éveillé personne sur leur passage, les différents corps de troupes étaient parvenus, entre quatre et cinq heures du matin, à leur emplacement désigné, sur les boulevards extérieurs. La brigade Lecomte, par le boulevard Ornano, la chaussée Clignancourt, la rue Muller, était arrivée au pied de la Butte, côté est, et montait vers la tour Solférino. La brigade Paturel, par la rue Lepic, se dirigeait vers le Moulin de la Galette, côté ouest, mais avec un retard considérable.

Pendant que les troupes marchaient ainsi dans les ténèbres, des escouades d’afficheurs apposaient, sur les murs des quartiers du Centre, une proclamation signée de tous les membres du gouvernement. Elle était destinée à avertir les Parisiens, dès leur réveil, du coup de force qui devait être tenté dans la nuit, et qui serait, dans la pensée de ses auteurs, accompli lorsqu’on lirait l’affiche.