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républicains des départements se trouvèrent déconcertés, privés d’orientation, dépourvus de guides. M. Thiers n’a pu poursuivre son œuvre de lutte et de répression que parce qu’il n’avait plus en face de lui que des individualités dont le mandat était contesté, dont les intentions étaient suspectées, dont l’autorité était nulle et le prestige absent.

C’est donc à la désertion de ces élus de Paris que doit être attribuée, pour une grande part, l’avortement du mouvement du 18 mars, l’ajournement indéfini des espérances et des rêves du prolétariat. La chute de la Commune, à la lueur sinistre des incendies, au bruit des détonations brutales, dans un lac de sang, parmi le fracas frénétique de la haine, les exploits de la cruauté, les clameurs de la vengeance, les fureurs du désespoir, a pu avoir pour auteurs, directement responsables, les Parisiens insurgés, mais une grosse part de complicité et de responsabilité dans la défaite, et dans le carnage qui en fut la suite, doit être imputée aux Tirard, aux Méline, aux Ranc, et autres déserteurs du devoir et du péril. Ils n’ont pas, sans doute, participé aux exécutions des otages, au massacre en masse de la population parisienne, mais leur prudente retraite les a rendus possibles ; elle a donné, à l’extermination des meilleurs républicains, l’estampille de la légalité républicaine. Ils ont prétendu que, pendant ces deux mois, Paris avait été livré à des incapables ou à des furieux : eux, les sages et les capables, ils n’avaient qu’à rester à Paris, et à gouverner, puisqu’on leur offrait le gouvernement. Ils se sauvèrent à Versailles plutôt que de l’accepter.