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rial donnait la parole à ses adversaires, avec l’intention perfide de mieux les surprendre et les abattre, mais en même temps il façonnait des orateurs, il créait des auditoires. Selon l’apologue du fabuliste en « cuidant engeigner autrui, il s’engeignait lui-même ». Tout concourait donc à la fois à grouper et à armer les adversaires de l’empire, tout préparait la résistance et stimulait l’opinion. Sur les murs des Tuileries dorées une main invisible semblait tracer la fatidique devise flamboyant aux voûtes du palais de Balthazar. Les jours de l’empire napoléonien étaient comptés, et l’arrivée terrible des soldats de Sennachérib était proche. L’empereur allait lui-même les appeler, et, se prenant au trébuchet de Bismarck, provoquer follement l’ennemi extérieur. Le régime était miné à l’intérieur ; le Prussien vainqueur ne ferait que donner la poussée finale.

La chute sans violences, sans cris, sans coups de feu, sans une goutte de sang, de cet empire solide d’apparence, serait inexplicable sans le travail de sape auquel il avait été soumis, depuis la fondation à Londres de l’Association internationale, depuis la loi des coalitions favorisant les grèves, et la loi des réunions, permettant aux réquisitoires contre le régime de se produire, accoutumant le pays à les entendre, et peu à peu à les approuver. Sans la défaite, sans l’Allemand victorieux, l’empire eut peut-être prolongé de quelques années son agonie, mais c’était un moribond dont la succession était déjà ouverte, avant la brutalité du coup mortel porté par l’étranger.

La loi sur les réunions était à peine promulguée que des séances publiques s’ouvrirent partout. À la Redoute, rue Jean-Jacques Rousseau, siège des loges maçonniques du rite écossais ancien et accepté, au Pré-aux-Clercs rue du Bac, dans diverses salles de bals populaires, à Montparnasse rue de la Gaîté, salle Lévis aux Batignolles, à la