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réunir retirée aussitôt après avoir été accordée, puisque la loi ôtait, à la fin de son texte, ce qu’elle concédait au commencement. C’était la restriction mentale des jésuites, transformée en précepte écrit, mise en action. « Je te permets de parler librement, mais avec cette réserve que tu ne parleras que de ce qui te sera permis, et que je pourrai te clore la bouche quand cela me conviendra. »

Malgré ces périls et ses imperfections, la loi de 1868 eut deux résultats, que n’avait pas prévus l’empire : le piège, il est vrai, fonctionna dans le sens que les policiers désiraient. Des personnalités remuantes se produisirent, des « blanquistes », de ceux que l’on classait, dans les archives de la sûreté générale, parmi les hommes dangereux, se dénoncèrent à la tribune populaire. Ils furent momentanément mis hors d’état, croyait-on, de combattre le régime impérial. C’était là une illusion que les événements n’allaient pas tarder à dissiper. La loi physique de la compression et de la dilatation des corps se manifesta. Les préoccupations politiques et sociales, comprimées depuis décembre 1851, subirent une expansion soudaine. Des orateurs nouveaux surgirent. Des jeunes hommes ignorés prirent la parole avec une verve insoupçonnée. Des préceptes, des programmes, des tendances, dont la fermentation latente, sans la loi déliant les langues, fût demeurée enclose dans des écrits inédits, dans des journaux sans lecteurs, dans des parlottes sans publie, et dans le secret des consciences, éclatèrent au grand jour. Ces pétarades, pouvant faire pressentir de formidables explosions prochaines, éveillèrent. Elles firent sursauter les populations endormies. Elles mirent debout des énergies engourdies depuis dix-huit ans. Ce fut un grand réveil. L’empire, pour sa propre perdition, avait sonné lui-même la diane de la Révolution.

Ainsi, double conséquence de la loi de 1868, le régime impé-