Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous inspirer de leur esprit, et à exécuter leurs décisions, on a tout fouillé, saisi ce qui pouvait être suspecté ; on n’a rien trouvé qui pût servir à une accusation quelconque. On ne trouve sur le compte de l’Internationale que ce qui été jeté aux quatre vents de la publicité. Avouez donc qu’en ce moment on nous fait un procès de tendance, non pour les délits que nous avons commis, mais pour ceux qu’on croit que nous pouvons commettre…

Malgré la justesse de ces observations, et la mesure avec laquelle elles étaient présentées, le tribunal condamna. Pouvait-il faire autrement ? L’acquittement eût semblé la condamnation du gouvernement qui avait ordonné les poursuites. La pénalité fut légère : cent francs d’amende. On ne vit dans cette condamnation qu’une satisfaction morale donnée au parquet, qu’il était impossible de désavouer. Elle passa à peu près inaperçue. On avait autre chose en tête. On n’avait pas le temps de s’effrayer. Le spectre rouge, c’était un épouvantail à moineaux bien démodé.

Celui qui l’avait inventé, c’était un farceur célèbre, Romieu, mort, oublié. Il était puéril de faire survivre l’invention, un mot. Et puis, ces ouvriers phraseurs, entendus à la correctionnelle, étaient fort insignifiants, sans auditoire. On n’avait qu’à les laisser pérorer dans leurs groupes sans importance. Ces moustiques ne méritaient même pas un froncement de sourcils de la part du lion impérial, qu’ils picotaient follement, disaient les sages, les habiles.

Ces révolutionnaires pour rire ne semblaient pas même des trouble-fête. La magistrature impériale agissait sagement en les laissant librement circuler, avec une amende à payer, pour le principe, pensait la bourgeoisie.

En prison, ils se seraient aigris et concertés. Peut-être même, n’aurait-on pas fait attention à eux dans la rue. Ils n’avaient pas gêné le défilé des rois, qui, gaiement, s’avan-