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quelques clairvoyants signalaient à l’horizon. On remuait, on récoltait de l’argent. Quand on gagne de l’argent, c’est l’opinion commune de la classe moyenne et de la classe ouvrière aussi, tout semble parfait, le ciel est clair, la route est belle et tout paraît marcher à souhait. L’optimisme s’insinue dans l’organisme social, la confiance dans la solidité du régime, la foi dans la force des gouvernants, avec le dédain pour les mécontents et les pessimistes. La sécurité, une certaine indulgence béate, et le mépris pour les sourds grondements extérieurs et intérieurs du volcan européen dominaient dans les esprits, qui se qualifiaient de raisonnables et de pondérés. La France cuvait alors un lourd bien-être. Elle n’entendait pas que sa digestion fût troublée. Elle disait volontiers, comme le tyran antique qui fut assassiné après souper : à demain les affaires sérieuses ! Et puis étaient-elles vraiment sérieuses, ces affaires de l’Internationale, dont les journaux, considérés déjà comme « à court de copie », selon le cliché stupide, grossissaient assurément l’importance. On voulait taquiner le pays tranquille, en lui faisant peur, comme aux enfants que l’on menace de croquemitaines imaginaires. C’était tout bonnement ridicule ! Les avocats impériaux, à la barre de leurs tribunaux, n’étaient même pas parvenus à établir une vraie culpabilité contre ces internationaux désignés comme si dangereux. Aussi, malgré toute la bonne volonté des juges, n’avaient-ils pu obtenir qu’une condamnation dérisoire. Cent francs d’amende, pour frapper des révolutionnaires qu’on déclarait dangereux, c’était une plaisanterie. On en concluait que le parquet, n’ayant rien à faire, à court de réquisitions, sans doute, comme les journaux étaient dénués de nouvelles, avait voulu s’amuser et paraître un vigilant gardien de l’ordre public. En poursuivant de pauvres diables, sans consistance, sans moyens d’action, et